10 février 2013
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21 juillet 2008
IN BERESHIT — Le Repas de Sourds
Ici, cent sourds dînent bien souvent ensemble.
Et les feuilles de chou qu'ils lisent parfois en silence,
évoquent si fortement les oreilles décollées et le globe penchant de leurs hauts-dits,
qu'ils n'écoutent jamais bien loin de la bouche la plus mobile...
et la plus douce,
qui se délecte des non-dits brillants.
Déglutissant un plat après l'autre,
goulus comme des gloutons,
à propos desquels ils gloussent en secret quand ils en ont l'occasion,
les sourds sont placés sur deux rangées :
les aériens et les osseux ,
se reconnaissent les uns les autres,
dans leurs sourires croisés...
et de la bouche aux yeux,
on n'entend mieux que rien,
et pas faute de mieux...
Derrière le pavillon,
un coquelet s'exerce à crier :
kikirika,
cocoriki,
cacarica...
sans réussir à trouver la bonne mélodie...
peu importe que le vent emporte mon chant incertain,
dit un matin,
à haute voix,
le misérable animal,
mais les commensables l'ignorent de plus belle,
car,
entre le marteau qui enfonce le clou du destin,
et l'enclume qui encaisse les coups répétés,
l'élancée de l'horrible cri de l'homme,
mais le grand œil n'entend rien aux prières verbales...
et la seule réponse que les oreillers peuvent amplifier,
et que certains peuvent encore écouter,
c'est le retour dans l'écho du sommeil,
des cris bègues à demi étouffés du petit coq laid...
Publié pour la première fois par
In Bereshit
le lundi 21 juillet 2008
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